Eyeless In Gaza
Voice
(Cd BRED 104, Best of … ,1993 (reissued June 10 1996), Cd)

Review 1

by DD (MFTEQ 9, March 1994)

The More I dig out those old albums, listening intently to Eyeless again, I’ve begun to realise that maybe, perhaps, they were the most original pop duo/group ever. I’m serious here. No-one has put across in musical form half the emotion, Eyeless, and in particular, Martyn Bates, share in their songs. Love. Lies. Hate. Joy. Fear. All are present in the tremor of his voice alone. It’s so easy, literally, to get sucked into their powerplays, and to feel the loss of control Bates’ voice actually achieved. Eyeless are like a drug, the effect they produce is beyond even hypnosis. When listening to them, nothing else matters. Pete Becker’s picture-book soundtracks were/are ideal bedfellows to the voice and should not be put aside. Often simplistic, and often experimental in the truest sense, he is one of a few musicians who can construct percussionless music for devastating results. Sheer, utter, unadulterated, and unrivalled genius. I don’t care if the music here is a decade or so old, if no-one made any more music ever, I don’t think I’d really care … I’ve got ‘Voice’ and a repeat button on the Cd player and as long as the electricity supply doesn’t waver I’ll forever reel inside their gushing music.


Review 2

au Christophe Conte (Les Inrockuptibles)

Sale temps que celui qui pesait sur nos têtes début 80. Si l’on excepte le ska, les Jam, Dexy’s et quelques autres, l’Angleterre d’alors renvoyait l’image d’un vrai désastre: les punks avaient à peine fini de festoyer que les corbeaux de la new-wave s’étaient rués sur les reliefs, abandonnant au carrefour des deux décennies le cadavre cold.L’histoire du rock retrouvait les relents amers qui l’avaient déjà couverte de honte dix ans plus tôt, lorsque la fantastique partouze de 67 accoucha lentement du monstre progressif. Eloge de l’ego, onanisme du cervelas, fumisteries ésotériques et grand-guignol post mortem retrouvaient leurs clients chez les teenagers suicidaires. Unique différence, mais de taille: la virtuosité laissait place ici à son exact contraire et tout ce qui se jouait minimal et paupériste, relayé par un discours pompeux et une imagerie funèbre, connut son heure de gloire. Pas longtemps, mais suffisamment pour qu’un groupe comme Eyeless ln Gaza débarque sur ce malentendu-là, enrôlé malgré lui dans une sinistre farce. Ce nom à coucher dehors, ces pochettes hermétiques et leurs tronches peu engageantes contribuèrent il est vrai à nos envies de les envoyer se faire pendre chez Death In June. Heureusement qu’il y avait les disques, y compris les deux premiers qui, bien qu’un brin cliniques, n’étaient pas dépourvus d’une certaine grâce. De la cold-wave, ils furent donc un ressac acceptable. Très tôt, la voix de Martyn Bates fit la différence: haute et ample, exubérante, alors que l’heure était aux graves en tout genre. Dès 82 et l’album Drumming the beating heart, la bande de Gaza affirma son autonomie dans cette génération de malheur. La techno-pop était passée par là, apportant comme le glam-rock en son temps un coup de fouet et un éventail de couleurs qui, faute de vraiment épater, bouscula la morgue ambiante. Dans leur coin, Martyn Bates et Peter Becker ouvrirent soudainement leur musique comme une corolle, en polirent les aspects les plus grinçants, enfoncèrent les touches harmonium et orgue de leurs synthés, mêlèrent des choeurs ascètes aux vapeurs moirées des cabarets en trompe-l’oeil. Avec New risen, symbole poppy du renouveau, on les crut enfin dignes d’un hit, même si Soft Cell, plus accessibles, leur damèrent le pion de la renommée. Leur style reste pourtant l’un des plus atypiques de l’époque: étrange combinaison des répétitives leçons de Steve Reich, de trompettes enflammées, de rythmiques en porte à faux et d’un chant perpétuellement sous tension, à l’expression saisissante et dense qui ne manqua pas d’annoncer Morrissey. Après le très automnal Rust Red September, n’ayant plus rien à prouver quant à leur génie d’accommoder leurs climats aux saisons froides, ils publièrent en 85, avant de se saborder, le justement nommé Back from the rains rempli de guitares chaleureuses, d’harmonica et de refrains printaniers, revers lumineux de leurs débuts polaires. La présente compilation, vaste et chronologique, démontre ce que l’on savait déjà: Eyeless In Gaza reflète mieux que personne la première moitié des eighties.